Dans les coulisses du reportage sur Utopia 56 Rennes

Aujourd’hui,  je vous propose la découverte de l’antenne rennaise d’Utopia 56. Vous découvrirez les coulisses du reportage et les impressions que j’ai pu avoir.  Un article à mi-chemin entre le retour d’expérience et le journal de bord. 

Pour ce reportage, je me suis  immergé durant 3 jours dans les différentes actions de cette association en les questionnant à travers le regard des coordinateurs & bénévoles.  

C'est quoi Utopia 56?

Utopia 56  c’est une association d’origine bretonne  à vocation nationale,  8 antennes à travers la France.  Elle vient en aide aux personnes en situation de grande précarité, aux familles d’exilés et aux mineurs non accompagnés. 

 

Les raisons du reportage

   Si Utopia 56 existe c’est qu’elle répond à un besoin ? L’idée était de questionner la politique d’accueil et d’hébergement à travers l’association. Cette question fut, en quelque sorte, la première pierre de mon angle.

   Cependant, lors de ma veille informationnelle autour de cette association, j’ai pu remarquer qu’ Utopia était parfois qualifiée de trop militante par une partie du public et de ses opposants. Militante car cette association n’hésite pas à réquisitionner des bâtiments publics pour y loger des familles à la rue.

  Dès lors, il fallait aussi inclure cette problématique dans un des angles à traiter dans mon reportage. Au risque de transformer le reportage en un publi-communiqué par le manque de regard critique.

L'organisation du reportage

Le 1er jour

   Le lundi, je me suis rendu dans les locaux d ‘Utopia 56 à Rennes, coincé entre les Resto du Coeur et la salle de vente d’Emmaus.

   Pour commencer ce reportage et avant d’aller sur le terrain , je voulais un interview de Marion & Olivier. Ce sont les deux coordinateurs de l’association. L’idée était d’obtenir une présentation plus détaillée de la structure et voir si mon angle initial trouvait écho lors de l’interview.

Un interview qui a duré plus d’une heure , tous les pôles de l’association ont été passés au crible.

Suite à cette entrevue, je planifie ma venue sur le terrain.

Rdvz le lendemain soir à 19h pour accompagner une maraude jusqu’à minuit . Et à 10h le surlendemain pour couvrir une maraude hôtelière.

Avant de rentrer chez moi dérusher l’interview des coordinateurs, je demande à effectuer des des entretiens de jeunes accompagnés par Utopia 56.

On me dirige, vers le Coupé-Décalé, une cuisine collective associative jouxtant le local d’ Utopia 56. Une seule précaution à respecter : ne pas insister si les jeunes ne veulent pas parler au micro et éviter de dévoiler leur véritable identité. En effet, ces mineurs non accompagnés sont encore en procédure pour déterminer leur minorité.

Je sens d’emblée que le dialogue ne va pas être évident et que les inclure dans mon reportage peut leur apporter des soucis dans les procédures. Mais j’y vais tout de même, parce que je ressens le besoin de mettre une voix sur ces mineurs non accompagnés. Aux micros, je reçois Daniel & Daphné .

Directement je sens une inquiétude sur les visages à l’idée de devoir parler du parcours et de leur accueil en France.

J’arrive à recueillir les impressions de Daniel aux micros, d’ailleurs c’est sa voix que vous entendez au début du reportage. Il vient de la République démocratique du Congo et ne veut pas forcément répondre à mes questions sur son parcours pour arriver en France. Il m’explique que ses liens familiaux sont compliqués. Il s’ouvre à moi quand je lui demande quel est son ressenti sur son arrivée en France : c’est compliqué . Voilà les mots qu’ils utilisent à plusieurs reprises pour qualifier son ressenti.

Je sais déjà qu’il me faudra plus que 3 jours d’immersion pour recueillir des vraies confidences.

C’est ici que je décide d’abandonner l’idée de mettre un interview complet dans mon reportage.

Guidé par un double impératif : le manque de temps et le souci de les protéger de futurs problèmes avec ce reportage.

L’après-midi je dérush mon reportage en triant les différentes parties via des codes couleurs qui correspondent à des sujets abordés ( jaune : mineurs non accompagnés, vert : hébergement d’urgence, etc…)

L’architecture du reportage commence à se dessiner dans ma tête mais il me manque les captations d’ambiance et les interviews sur le terrain.

J’en profite l’après-midi pour composer la musique qui va venir habiller mon reportage. L’idée est de composer un thème unique pour décliner des variations, un peu comme la B.O d’un documentaire ou d’un film.

 

Etant donné que c’est un sujet lourd, j’essaye de trouver des accords joyeux mais pas trop non plus pour éviter de tomber dans un décalage.

Vous pouvez  écouter les extraits ci-dessous: 

Deuxième jour


Je me rends à 19h au point de rendez- vous pour couvrir la maraude avec une équipe de bénévoles.
Au local, avant de partir en maraude, j’essaye de déterminer quel interlocuteur je vais avoir au micro. Mon choix se porte vers Michel, il participe à ces maraudes de façon hebdomadaire depuis 2 ans.

Une maraude mobile couvrant différents du centre-ville de Rennes :

  • Saint Anne
  • Le Mail François Mitterrand
  • Charles de Gaulle
  • La Gare

 

L’idée ici est de venir confirmer l’interview de la veille avec les coordinateurs avec le terrain.

La maraude est bien rodée, en 3 minutes : à l’aide d’un tréteau, d’une planche et d’un coffre de voiture ouvert. Un comptoir éphémère sort de nulle part.

Les premières personnes sont accueillies pour distribuer café et nourriture. Les bénévoles prennent des nouvelles des habitués de la maraude. Ils notent aussi les besoins en vêtement à ramener pour la prochaine maraude.

Quand je vois Michel sollicité par ces personnes à la rue, un peu comme si c’était le loup blanc des maraudes. Ça me conforte dans l’idée de l’inviter au micro pour avoir son regard. C’est cette personne que vous entendez dans ce reportage.

Une fois l’interview terminée, je reste à capter des sons d’ambiance. Et au fur à mesure, je me retrouve à faire partie de la maraude. Parce que ces habitués d’un soir de la maraude, m’interrogent sur mon micro et sur ce que je fais là.

Nous partons au Mail François Mitterrand pour la 2ème étape de la maraude, j’interview un deuxième bénévole mais décide ne pas garder le rush. Il fait les maraudes par intermittence et n’a pas ce même lien que Michel a avec le terrain.

Vers 22h, je décide de partir de la maraude pour rentrer chez moi dérusher.

Troisième jour

Le surlendemain, la cafetière crache ses dernières volutes de fumées quand je pénètre dans le local d’ Utopia 56.

C’est le jour où j’accompagne Olivier et les services civiques lors d’une maraude hôtelière.

Dans l’air, il y a un peu d’anxiété et de stress. Olivier me dit qu’on ne sait jamais sur quoi on va tomber lors de ces maraudes. Ça peut dégénérer avec les patrons des hôtels ou parfois avec des exilés. On peut tomber sur des familles avec des enfants en détresse. On sait à quelle heure on part mais on ne sait jamais à quelle heure on revient s’ il y a des urgences à gérer.

Les services civiques regardent étrangement l’enregistreur, je décide d’engager la conversation pour dissiper tous malentendus. Je préviens quand j’enregistre, il n’y a pas d’enregistrements sauvages.

Nous partons en voiture à 20 minutes de Rennes pour se retrouver devant un hôtel d’apparence fermé et à l’aspect délabré.

Là j’avoue que je fais pas le malin, je me demande ce que je fous là avec mon enregistreur, si je vais être bien accueilli par ces familles aux parcours compliqués. Olivier me fait signe de le ranger pour pouvoir montrer pattes blanches.

Nous pénétrons dans le hall de l’hôtel, une femme derrière son comptoir nous accueille.

Elle connaît les actions d’Utopia 56, nous laisse passer en nous indiquant que la patron va nous mettre à la porte quand il nous verra sur les caméras de surveillance. Je décide de ne pas dire que fais un reportage à cette dame, histoire de ne pas compromettre cette maraude pour Utopia 56.

D’ailleurs, je me dis qu’il y a aussi un reportage à faire sur ce business de ces hôtels qui n’ont pas l’air aux normes mais qui touchent de l’argent public pour accueillir ces familles.

Nous arrivons à l’étage, les premiers signes de vie se font entendre. Je sors mon zoom à la hâte et lance l’enregistrement. Lorsque les familles ouvrent, je place en évidence le zoom pour signifier que ça enregistre. Il n’y a aucune réticence à ma présence.

20 minutes plus tard, nous sommes mis à la porte, le patron à remarqué notre présence sur les caméras et à appelé le 115. Celui-ci, l’a sommé de nous faire partir des lieux.

Nous reprenons la voiture, pour nous rendre à un nouvel hôtel qui lui aussi semble fermé, mais cette fois-ci, nous restons bloqués dans le hall à attendre un employé mais sans succès. La décision est prise de ne pas monter à l’étage sans accord pour éviter tout débordements. Une fois rentré au local, je débriefe cette matinée avec Olivier aux micros.

Je les remercie de m’avoir accueilli durant ces 3 jours avec mes micros et leur promet de leur envoyer mon reportage, une fois qu’il sera monté.

Mon retour d'expérience

C’était vraiment enrichissant de pouvoir s’immerger durant 3 jours et de construire un récit avec cette matière. Même si ce sujet incombe pas mal de responsabilités, étant donné le sujet, on s’y prend à deux fois avant de dire quelque chose.

Ça engendre un peu de stress, d’arriver dans un milieu qu’on ne connaît que de loin par les actualités ou les faits-divers. D’ailleurs dans mes rush, je sens que ma voix a du mal à se poser lors des interviews parce que je ne connais pas les bon termes pour parler du sujet.

Parce que sur le terrain, il n’y a pas de feuilles/script pour se reposer dessus, c’est vraiment un bon exercice sur la notion d’angle et du travail de la voix.

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